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goût public a ses variations ; il regrette souvent ce qu'il a quitté. Il en vint à se demander si cet art superbe et régulier qui fut pendant deux siècles l’orgueil et la fête de notre théâtre était vraiment à jamais perdu. Ne devait-on plus le revoir dans sa sévère majesté ? Fallait-il compter le fronton de son temple parmi les ruines du passé ?

Ce fut vers ce moment qu’un bruit inattendu circula dans Paris : la tragédie n’était point morte, elle n’était qu’endormie. Un jeune homme, un inconnu, un enfant de la province l’avait retrouvée respirant encore dans sa tombe, et Mélpomène, grâce à lui, devait reparaître au premier soir dans sa beauté rajeunie. La bonne nouvelle avait pour messager un ami du poète, un précurseur dévoué qui le devançait à Paris, et qui allait par la ville prophétisant sa gloire.

Ce précurseur, messieurs, permettez-moi de le nommer devant vous : il s’appelait Charles Reynaud. Poète lui-même, — moissonné dans sa fleur, — quelques-uns de ses vers sont restés dans la mémoire de cette aimable postérité qui se compose d’un groupe d’amis fidèles. Un jour qu’il se promenait aux bords du Rhône, il avait rencontré Ponsard, qui, assis sur la rive du fleuve, se récitait à lui-même une tirade de sa Lucrèce à peine