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Qui ne se souvient de ces heureux débuts ? Jamais poète ne trouva les abords de la carrière mieux préparés et plus faciles. Jamais le dur sentier qui mène à la gloire ne fut mieux aplani sous les pas d’un nouveau venu. On eût dit qu’une fée bienfaisante avait jeté sur son berceau un des dons les plus précieux de ce monde, cette fortune des poètes comme des capitaines, le don d'arriver à propos. Quand il apparut, c’était son heure ; la foule, ramenée aux anciens modèles par une tragédienne inspirée, commençait à se détacher de la poésie aventureuse et sans frein, du drame turbulent et audacieux. Un idéal qui ressemblait à un regret reparaissait à l'horizon. On appelait celui qui s’en ferait l’interprète, on l’attendait, on le pressentait. Survenir à ce moment-là, n'est-ce pas toujours, et sur tous les théâtres, le premier gage du succès ?

À Dieu ne plaise, messieurs, que je parle avec indifférence du mouvement littéraire qui s’était produit avec tant d'éclat sous la Restauration, et se continua sous le gouvernement de Juillet. Mes premières paroles ont témoigné que je n’oublie pas ce que furent pour nous les maîtres illustres dont l'heureuse témérité ouvrit des voies nouvelles à l’imagination, releva le niveau des esprits, et infusa comme un sang nouveau dans la langue