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Il n’y eut pas jusqu’à Mary qui ne promît à ses sœurs de les accompagner sans aucune répugnance.

« Mes matinées me sont précieuses, dit-elle, je les consacre entièrement à l’étude, mais le soir, je veux bien sacrifier aux convenances… La société a sur nous des droits imprescriptibles, et je me range tout à fait au système de ceux qui tiennent qu’une distraction est nécessaire à l’esprit. »

Il était rare qu’Élisabeth parlât sans nécessité à M. Colins, mais, la nouvelle du bal l’ayant rendue encore plus gaie que de coutume, elle eut la fantaisie de savoir si, acceptant l’invitation de M. Bingley, il croyait pouvoir convenablement prendre part aux divertissements de la soirée ; et, par sa réponse, elle apprit, non sans quelque surprise, que, loin d’avoir aucun scrupule à cet égard, il ne craignait même pas, en se hasardant à danser, d’en être repris par l’archevêque ou par lady Catherine.

« Je ne pense pas, dit-il, qu’un bal donné par un homme bien famé, à une réunion choisie puisse conduire au mal : je suis même si éloigné d’avoir contre la danse aucune objection, que j’espère, dans le courant de la soirée, être honoré de la main de chacune de mes belles cousines, et je prends cette occasion de solliciter la vôtre, mademoiselle Élisabeth, au moins pour les deux premières contredanses [1]. Je me flatte que ma cousine Hélen attribuera la préférence que je vous accorde à un motif juste et raisonnable, et non à un manque d’égards. »

Élisabeth ne fut pas peu déconcertée ; elle s’était proposé de danser avec Wickham ces deux mêmes contredanses, et avoir, au lieu de lui, M. Colins, quel cruel contretemps ! Il fallut s’y résoudre : elle se vit obligée, aux dépens peut-être du bonheur de M. Wickham, d’accepter cette invitation, d’aussi bonne grâce qu’il lui fût possible.

D’autant plus contrariée du compliment de son cousin

  1. On danse presque toujours deux contredanses de suite avec le même danseur.