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— Je suis bien plus portée, reprit Élisabeth, à croire M. Bingley trompé, que je ne le suis à penser que M. Wickham ait inventé ce qu’il me dit hier au soir. Il a cité les faits, a nommé les personnes… Si tout cela est faux, que l’autre le démente ; et son regard d’ailleurs exprimait la vérité. »

Tout cela néanmoins ne persuadait point Hélen ; ce qu’elle pensa, ce fut que, si véritablement M. Darcy méritait peu l’amitié de M. Bingley, celui-ci aurait bien à souffrir quand il connaîtrait son erreur.

Ici elles furent interrompues par l’arrivée de M. Bingley et de ses sœurs, qui venaient eux-mêmes les inviter au bal, si longtemps attendu, fixé enfin pour le mardi suivant. Ces deux dames étaient charmées d’embrasser leur chère amie. Il y avait mille ans qu’elles ne s’étaient vues. Elles demandèrent plusieurs fois comment Hélen avait passé le temps depuis leur séparation. Elles firent peu d’attention au reste de la famille, évitant avec soin Mme Bennet, parlant peu à Élisabeth, et point du tout aux autres. Leur visite fut courte ; elles se levèrent avec une vivacité qui parut surprendre leur frère, et se retirèrent à la hâte, comme pour échapper aux civilités de Mme Bennet.

Rien ne pouvait être plus agréable aux dames Bennet que l’idée d’un bal à Netherfield : la mère se plut à penser que cette fête était donnée pour sa fille aînée, et fut flattée de recevoir l’invitation de M. Bingley lui-même au lieu d’une lettre de cérémonie.

« Je jouirai tout un soir de la société de mes deux amies, et des attentions de leur frère, se disait Hélen avec satisfaction, tandis qu’Élisabeth pensait au plaisir de danser beaucoup avec M. Wickham, et de voir la confirmation de tout ce qu’il lui avait dit dans les regards et la conduite de M. Darcy. Les projets d’amusement de Catherine et de Lydia dépendaient moins d’une seule personne, ou d’aucun événement particulier, car encore qu’elles se proposassent, aussi bien qu’Élisabeth, d’avoir M. Wickham pour danseur une bonne partie de la nuit, elles ne voulaient nullement s’en tenir à lui seul ; et, après tout, un bal était toujours un bal…