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chapitre 59


« Ma chère Lizzy, jusqu’où avez-vous donc été ? » fut une question qu’Élisabeth reçut d’Hélen à son entrée dans sa chambre, et que toute sa famille lui répéta lorsqu’on se mit à table. Pour toute réponse, elle ne put que leur dire qu’elle s’était trompée de route, et avait par là prolongé sa promenade. Elle rougissait en donnant cette explication, mais la rougeur ne fit pas soupçonner la vérité.

La soirée se passa tranquillement sans aucune circonstance remarquable : les amoureux reconnus parlaient et riaient ; ceux dont la passion était ignorée gardaient le silence. Darcy n’était point un homme que le bonheur pût rendre jovial, et Élisabeth, agitée et confuse, savait plutôt qu’elle était heureuse qu’elle ne le sentait réellement. Elle pensait, avec trouble, à ce que diraient ses parents, lorsque sa position avec Darcy serait connue ; elle n’ignorait pas qu’Hélen était la seule qui eût quelque estime pour lui, et craignait que son rang et toute sa fortune ne pussent même détruire l’impression défavorable qu’il avait faite au reste de sa famille.

Le soir, étant seule avec Hélen, elle lui ouvrit son cœur ; bien que toute idée de défiance fût ordinairement loin du caractère de Mlle Bennet, en ce moment elle demeura incrédule.

« Vous plaisantez, Lizzy, cela ne peut être ! Recherchée par M. Darcy ! Non, non, vous ne m’abuserez pas, je sais que cela est impossible !

— Voici vraiment un triste commencement ; mon seul espoir était en vous, et qui donc me croira si vous ne me