Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/363

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Écoutez-moi, je vous prie ; cette alliance à laquelle vous avez la présomption d’aspirer ne peut jamais avoir lieu, non jamais ! M. Darcy est promis à ma fille ; maintenant, qu’avez-vous à me répondre ?

— Un mot seulement, c’est que s’il en est ainsi, vous ne pouvez avoir aucune raison de supposer qu’il me fasse l’offre de sa main. »

Lady Catherine réfléchit quelques instants, puis elle reprit.

« Leur engagement est d’une nature toute particulière : dès leur enfance, ils ont été destinés l’un à l’autre ; la mère de M. Darcy désirait comme moi cette alliance : nos enfants étaient encore au berceau, lorsque nous en formâmes le projet, et maintenant que toutes nos espérances se pourraient réaliser par leur mariage, serais-je réduite à voir mon attente trompée ? Et pour qui ? pour une jeune personne sans naissance ni fortune, et parfaitement inconnue de notre famille. Ne faites-vous aucun cas des désirs de ses parents, de cet engagement tacite avec Mlle de Brough ? Avez-vous perdu tout sentiment d’honneur et de délicatesse ? Ne vous souvient-il plus de m’avoir entendu dire qu’il était destiné à sa cousine ?

— Si vraiment ! j’en avais même ouï parler auparavant, mais qu’est-ce que cela me peut faire, s’il n’y a aucun autre obstacle à mon mariage avec votre neveu ? La connaissance du désir qu’avait sa mère et sa tante de l’unir à Mlle de Brough ne saurait m’empêcher de le conclure ; vous avez toutes deux fait tout ce qui était en votre pouvoir en concertant cette alliance, son accomplissement dépendait d’autres que de vous. Si l’homme ou l’inclination ne lie pas M. Darcy à sa cousine, pourquoi lui serait-il défendu de faire un autre choix ? Et si je suis la femme qu’il a choisie, pourquoi ne pourrais-je accepter sa main ?

— Parce que l’honneur, la bienséance, la prudence votre intérêt même le défendent. Oui, mademoiselle Bennet, votre intérêt, car ne vous attendez pas à être reconnue par aucun de ses parents si vous agissez volontairement contre leur désir ! Vous serez censurée, méprisée par tous ceux qui lui