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par elle ; mais, maintenant, dès qu’elle fut seule avec Élisabeth, elle lui dit :

« Je vous ai vue me regarder fixement ce matin, Lizzy, quand ma tante a parlé de la nouvelle du jour… Je sais que j’ai paru décontenancée ; mais ne vous imaginez pas qu’une sotte faiblesse soit la cause de ce moment d’embarras ! J’ai rougi, parce que je savais qu’on me regarderait ; je vous assure que ce retour ne me fait ni plaisir ni peine ; je suis aise qu’il vienne seul, parce que nous le verrons moins souvent ; ce n’est pas cependant que j’aie aucune crainte pour moi, mais je redoute les remarques des autres. »

Élisabeth ne savait trop qu’en penser. Si elle ne l’avait point vu dans Derbyshire elle aurait pu croire qu’il venait à Netherfield sans autre projet que celui qu’on lui supposait, mais elle le croyait toujours fort attaché à Hélen, et elle doutait encore, s’il était plus probable qu’il y vînt avec la permission de son ami, ou qu’il fût assez hardi pour faire sans le consulter une semblable démarche.

« Cependant, il est bien dur, pensait-elle quelquefois, que ce pauvre jeune homme ne puisse venir à une maison qu’il a louée, sans donner lieu à tant de conjectures. Allons ! allons ! il faut le laisser tranquille. »

Malgré les sentiments qu’Hélen professait et qu’elle croyait sincèrement éprouver, Élisabeth s’aperçut facilement qu’elle était plus pensive et beaucoup moins calme qu’elle ne l’avait encore vue.

Le sujet qui un an auparavant avait été si vivement discuté par leurs parents, le fut encore aujourd’hui, avec non moins de chaleur.

« Dès que M. Bingley sera ici, dit Mme Bennet, vous lui ferez sans doute une visite, mon cher ?

— Non, non ! vraiment, vous m’avez forcé à y aller l’année dernière, me promettant qu’il épouserait une de mes filles ; mais il n’en a rien été, et on ne m’attrape pas deux fois. »

Sa femme lui représenta combien il serait nécessaire, importent même, que tous les voisins donnassent à M. Bingley dès son retour une semblable marque d’attention.