Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/330

Cette page n’a pas encore été corrigée

lendemain, on sut seulement qu’un monsieur était passé pour affaires. Il revint ; votre père était parti, et votre oncle était à la maison : ils eurent, comme je vous l’ai déjà dit, une longue conférence ensemble. Ils se rencontrèrent le dimanche, et alors je le vis à mon tour. Tout fut terminé le lundi, et sur-le-champ on envoya un exprès à votre père ; mais notre ami fut (comment dirai-je ?) fort obstiné. Je crois, Lizzy, que l’obstination est son défaut véritable ; on lui en a plusieurs fois trouvé beaucoup d’autres, mais voilà celui vers lequel il a le plus de penchant. Démarches, recherches, dépenses, tout enfin a été fait par lui seul. Quoique je sois persuadée (et je ne le dis pas pour recevoir des remerciements, ainsi ne m’en faites point) que votre oncle eût avec plaisir terminé lui-même cette affaire, ce point a été longtemps et évidemment discuté entre eux ; c’était plus que ne méritaient ceux qui causaient cette discussion, mais enfin votre oncle s’est vu forcé de céder, et au lieu d’être vraiment utile à sa nièce, il a été obligé de laisser présumer seulement qu’il l’avait été, ce qui le contrariait fort. Je suis donc persuadée que votre lettre de ce matin lui a causé un plaisir extrême, parce que, en exigeant une explication, elle lui ravit une gloire qui ne lui appartient pas, pour la porter sur celui à qui elle est due. Mais tout cela ne doit pas aller plus loin que vous ou Hélen tout au plus : vous savez, je pense, à peu près ce qui a été fait pour ces jeunes époux ? Les dettes de Wickham, qui se montaient à beaucoup plus que mille livres sterling, ont été payées, son brevet acheté, et mille livres sterling ajoutés à la dot de Lydia, et placées sur sa tête. Je vous ai dit plus haut pour quel motif tout cela devait être fait par lui seul. « S’il avait, disait-il, fait connaître comme il le devait le caractère de Wickham, celui-ci n’aurait point reçu dans Herfordshire un accueil si favorable. » Ce raisonnement a peut être quelque justesse, mais je doute fort cependant que son silence, ou le silence de qui que ce soit, doive le rendre responsable d’un pareil événements ; mais en dépit de tous ces beaux discours, vous pouvez être assurée, chère Lizzy, que votre oncle n’eût jamais cédé, s’il n’avait cru que M. Darcy avait plus d’un