Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/303

Cette page n’a pas encore été corrigée

M Gardener attendit d’avoir reçu la réponse du colonel Forster avant de leur récrire, et alors même il n’avait rien d’agréable à leur apprendre : aucun des officiers du régiment n’avait ouï dire que Wickham eût quelques parents avec lesquels il fût en relation ; on croyait même que ses plus proches étaient tous morts depuis longtemps. Ses anciennes liaisons avaient été, il est vrai, fort nombreuses, mais, depuis son entrée dans la milice, il semblait les avoir entièrement perdues de vue. On ne connaissait donc personne qui pût donner aucune nouvelle de lui, et le désordre de ses propres affaires était encore un plus puissant motif que la crainte même d’être découvert par les parents de Lydia, pour celer le lieu de sa retraite, car le bruit venait de se répandre qu’il avait laissé des dettes d’honneur pour une somme très considérable ; le colonel Forster croyait que mille livres sterling ne suffiraient pas pour payer ses dettes à Brighton : il devait beaucoup dans la ville, mais ses dettes du jeu étaient bien plus énormes encore. M. Gardener ne chercha pas à cacher ces tristes détails à la famille de Longbourn. Hélen les écouta avec horreur : « Un joueur ! s’écria-t-elle, cela passe toute attente : je n’en avais nulle idée. »

M. Gardener ajoutait « qu’elles pouvaient attendre leur père le jour suivant, qui était le samedi. Le peu de succès de ses démarches l’ayant absolument découragé, il s’était enfin rendu aux instances que lui faisait son beau-frère de retourner dans sa famille, et de lui laisser faire ce que l’occasion, le hasard, lui suggéreraient pour continuer leurs poursuites ». Lorsque Mme Bennet apprit ce retour, elle n’en parut pas aussi satisfaite que ses enfants l’auraient imaginé, considérant combien ses craintes pour la vie de son mari avaient été extrêmes.

« Comment, il revient ! et sans ma pauvre Lydia ! s’ecria-t-elle. Se peut-il qu’il quitte Londres sans les avoir trouvés ? Et qui donc se battra avec Wickham, et le forcera à épouser ma fille, s’il ne le fait ? »

Comme Mme Gardener commençait à désirer être chez elle, il fut décidé qu’elle et ses enfants partiraient pour