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— Mais vous voyez qu’Hélen, dit sa tante, ne juge pas Wickham assez sévèrement pour le croire capable d’une telle infamie.

— De qui Hélen a-t-elle jamais mal parlé ? Existe-t-il un homme sur la terre, quelle qu’eût été sa conduite précédente, qu’elle voulût croire capable d’un pareil dessein, à moins qu’on n’en eût des preuves irrécusables ? Hélen sait comme moi ce que l’on doit penser de Wickham. Nous savons l’une et l’autre qu’il a été libertin dans toute l’étendue du mot ; qu’il n’a ni intégrité ni honneur ; qu’il est aussi faux, aussi hypocrite que son langage est insinuant.

— Vous savez réellement tout cela ? s’écria Mme Gardener fort curieuse de connaître la source d’où provenaient ces informations.

— Oui, malheureusement nous n’en pouvons douter, reprit Élisabeth en rougissant ; je vous ai dit l’autre jour quelle avait été sa conduite à l’égard de M. Darcy, et vous-même, ma tante, lors de votre dernier voyage à Longbourn, vous avez entendu de quelle manière il parlait de l’homme qui s’est conduit envers lui avec tant de grandeur et de générosité… Il y a d’autres circonstances qu’il ne m’est pas permis…, qui ne valent pas la peine d’être rappelées ici, mais ses mensonges sur la famille de Pemberley sont sans nombre. D’après ce qu’il m’avait dit de Mlle Darcy, je m’attendais à voir en elle une femme fière, hautaine, dédaigneuse ! Cependant il savait fort bien le contraire. Il ne pouvait douter qu’elle ne fût aussi douce, aussi aimable qu’elle nous a paru l’être.

— Mais Lydia ne sait-elle rien de tout cela ? Peut-elle ignorer ce que vous et Hélen semblez si bien connaître ?

— Hélas, oui elle l’ignore ! et voilà ce qui met le comble à ma douleur ! Jusqu’à mon voyage dans Kent, où je vis si fréquemment M. Darcy et son cousin le colonel Fitz-William, j’ignorais moi-même la vérité ; et lorsque je revins à Longbourn, le régiment devant quitter Meryton dans huit ou quinze jours, ni Hélen à qui je confiai le tout, ni moi, ne pensâmes qu’il fût nécessaire de publier ce que