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y a de certain, c’est qu’elle le vit partir à regret, et que cette peine si soudaine de l’effet que devait produire le déshonneur de Lydia, accrut encore son angoisse. Jamais, depuis la lecture de la seconde lettre d’Hélen, elle n’avait espéré un instant que Wickham voulût épouser Lydia ; elle pensait que personne autre qu’Hélen ne pouvait se flatter d’un tel espoir. En lisant la première lettre, son étonnement, il est vrai, était extrême. Comment Wickham se décidait-il à épouser une femme sans fortune ? Comment Lydia avait-elle su se faire aimer de lui ? Mais tout cela maintenant ne lui paraissait, hélas ! que trop naturel. Pour inspirer un attachement de ce genre, elle possédait sans doute assez de charmes, et bien qu’elle ne supposât pas que Lydia se fût décidée à s’enfuir avec lui sans avoir le projet de l’épouser, elle pensait aussi qu’elle n’avait ni assez de vertu, ni assez d’esprit pour résister longtemps à un si habile séducteur.

Elle ne s’était jamais aperçue, pendant que le régiment résidait à Meryton, que Lydia eût aucune inclination pour Wickham, mais elle pensait dès lors qu’elle était susceptible de s’attacher à celui qui lui présenterait le premier son hommage : tantôt un officier, tantôt un autre avait été son idole, selon que leurs attentions pour elle étaient plus ou moins marquées ; et son imagination ardente, errante d’objet en objet, n’était cependant jamais restée oisive. Oh ! combien Élisabeth sentait vivement à cette heure le mal que des parents trop indulgents avaient fait à son imprudente sœur !

Elle mourait d’impatience d’être à Longbourn, de voir… d’entendre… d’être sur les lieux… de partager avec Hélen les soins nombreux qui l’occupaient seule dans une maison si en désordre… Un père absent, une mère malade, et qui exigeait une assiduité continuelle ; et bien qu’elle fût persuadée que rien ne pouvait être fait pour Lydia, la présence de son oncle lui paraissait de la plus haute importance ; et jusqu’au moment où il entra dans la chambre, l’inquiétude d’Élisabeth fut bien pénible. M. et Mme Gardener revinrent à la hâte, supposant, d’après le récit du domestique, que leur nièce se trouvait indisposée, mais les ayant rassurés