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le demander. Si vous deviez en être trop contrariée, adieu. Je reprends la plume pour me contredire moi-même, en faisant ce que je vous disais ne vouloir point faire, mais les circonstances sont telles, que je ne puis m’empêcher de vous conjurer tous de revenir ici, le plus tôt possible ; je connais si bien mon oncle et ma tante, que je ne crains point de leur demander cette grâce. Mon père part à l’instant même pour Londres, avec le colonel Forster, afin de chercher à découvrir où est Lydia : ce qu’il compte faire pour cela, voilà ce que j’ignore ; mais sa douleur est si grande, qu’elle ne lui permettra pas de prendre les moyens les plus sûrs, et les plus prudents ; et le colonel F. est obligé d’être de retour à Brighton, demain soir. Dans un tel moment, combien les conseils de mon oncle seraient nécessaires ! Il peut facilement comprendre ce que je dois éprouver, et je compte entièrement sur sa bonté et sa tendresse pour nous. »

« Ô ciel ! où est mon oncle ? » s’écria Élisabeth, se levant comme elle finissait la lettre, impatiente de le suivre, sans perdre un moment d’un temps aussi précieux. Mais, comme elle approchait de la porte, un domestique l’ouvrit, et M. Darcy parut. La pâleur, l’air agité d’Élisabeth le firent tressaillir et, avant qu’il pût se remettre assez pour parler, elle, que l’idée de la situation de sa sœur absorbait tout entière, dit avec vivacité : « Excusez-moi, mais je suis forcée de vous quitter, il faut que j’aille trouver M. Gardener : je n’ai pas un instant à perdre.

— Ô ciel ! qu’est-il donc arrivé » ? demanda-t-il avec plus de sensibilité que de politesse. Alors, se remettant, il ajouta : « Je ne vous retiendrai pas une seconde, mais laissez-moi, laissez le domestique aller chercher M. et Mme Gardener, vous n’êtes pas assez bien ; vous ne pouvez y aller vous-même. »

Élisabeth hésitait, mais, tremblante et agitée, elle sentit combien elle gagnerait peu en cherchant à les rejoindre. Rappelant donc le domestique, elle lui ordonna, quoique d’une voix si émue qu’on pouvait à peine l’entendre, d’aller sur-le-champ chercher ses maîtres.