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de M. Darcy moins infâme, était néanmoins susceptible d’une interprétation, qui le disculpait entièrement.

La prodigalité et le manque de principes, dont il ne se faisait nul scrupule d’accuser Wickham la blessèrent extrêmement, d’autant plus qu’elle ne pouvait donner nulle preuve du contraire. Jamais elle n’avait entendu parler de lui avant son entrée au régiment de milice de… dans lequel il s’était engagé, à la demande d’un jeune homme, qui le rencontrant par hasard à Londres, avait renoué connaissance avec lui. Sur sa manière de vivre avant cette époque, rien n’était su dans Herfordshire, que ce que lui-même en avait dit ; et quant à sa conduite, lors même qu’elle eût eu occasion de s’en informer, elle n’en aurait point eu le désir : sa physionomie, son air, ses manières l’avaient persuadée dès le premier coup d’œil, qu’il possédait toutes les vertus. Elle essaya de se rappeler quelques preuves de bonté, quelques traits distingués d’intégrité ou de bienfaisance, qui le pussent mettre à couvert des accusations de M. Darcy, ou qui prouvassent du moins que par des vertus solides il rachetait ses erreurs passagères, si excusables dans la jeunesse ; c’est ainsi qu’elle voulait nommer ce que M. Darcy disait être l’habitude du vice et de l’oisiveté, mais un souvenir si désiré ne la vint point consoler. Son imagination la reportait dans Herfordshire, elle l’y voyait encore avec tous les charmes que peuvent donner un extérieur agréable, et les manières les plus séduisantes ; mais vainement s’efforça-t-elle de se rappeler d’autre bien de lui, sinon la considération dont il jouissait dans le voisinage, et l’amitié que ses qualités sociales lui avaient gagnée au régiment. Après avoir réfléchi fort longtemps sur ce sujet, elle reprit encore une fois sa lecture, mais hélas ! l’histoire qui suivait, de ses desseins sur Mlle Darcy, recevait quelque confirmation, par ce qui s’était passé seulement le jour précédent, entre elle-même et le colonel Fitz-William ; et finalement pour preuve de tous ces détails, on la renvoyait au colonel lui-même. Elle fut d’abord presque tentée de le consulter, mais cette pensée dura peu. L’idée de l’inconvenance d’une telle démarche, la vint bientôt détruire, et