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succession de dix mille livres sterling était le plus grand charme de la jeune personne à laquelle il cherchait alors à plaire, mais Élisabeth moins pénétrante et moins impartiale peut-être, dans cette circonstance que dans l’affaire de Charlotte, ne le blâma point de chercher ainsi une existence indépendante ; rien au contraire n’était plus naturel : et en supposant qu’il avait eu quelque peine à se détacher d’elle, elle eût même avoué que ce procédé était également sage, et avantageux pour tous deux, et qu’elle pouvait aussi avec sincérité lui souhaiter un bonheur durable.

Tout cela fut confié à Mme Gardener, et après quelques détails assez minutieux, elle continuait ainsi :

« Je suis maintenant convaincue, chère tante, que je n’ai jamais eu nul amour pour lui, car si j’eusse éprouvé ce sentiment si vif, si tendre, le nom seul de Wickham me causerait à cette heure une peine cruelle ; et je ne pourrais lui souhaiter que du mal ; mais au contraire, non seulement je pense à lui sans humeur, mais je puis même vouloir du bien à Mlle Keng. Loin de la détester, je suis très portée à la croire une fort bonne enfant. Vos conseils comme vous le voyez, ne m’ont point été inutiles, et quoique j’eusse certainement été un objet plus intéressant aux yeux de mes compagnes, si j’avais eu pour lui une passion bien tendre, je ne puis dire que je regrette de n’avoir point acquis cette célébrité, car souvent elle s’achète trop chèrement. Kitty et Lydia prennent sa retraite plus à cœur que moi, elles connaissent peu le monde, et ne sont pas encore convaincues de cette mortifiante vérité, que les jeunes gens beaux et aimables ne sauraient, plus que les autres, vivre sans fortune ! »