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momens en silence ; puis il se leva, et se promena dans la chambre.

Elisabeth étoit de plus en plus étonnée, et ne disoit pas un mot. Plusieurs minutes se passèrent ainsi. Enfin il s’approcha d’elle, et lui dit d’une voix émue : “ J’ai fait tous mes efforts pour me taire ; et je ne le puis. Je ne puis plus contraindre l’expression de mes sentimens. Je suis comme forcé de vous dire combien je vous admire et vous aime.»

L’étonnement d’Elisabeth ne peut pas se rendre. Elle rougit ; elle le regardoit fixement ; et elle doutoit si ce n’étoit point un rêve. Elle ne répondit pas. Il prit cela pour un encouragement suffisant, et il lui dit d’un ton passionné tout ce que depuis long-temps il avoit éprouvé pour elle. Il fut très-éloquent ; mais il y avoit une partie de sa conduite qu’il lui étoit difficile d’expliquer sans blesser la fierté d’Elisabeth. Il avoit eu, dit-il, des préjugés à combattre , soit en lui-même, soit chez ses parens, pour se décider à une alliance qui ne réunissoit pas tout ce à quoi il pouvait prétendre ; et il essayoit de justifier ainsi le retard de cet aveu qui venoit de lui échapper.

Quoiqu’Elisabeth eut pris une sorte d’aversion pour Darcy, elle ne put être tout-à-fait insensible au sentiment que lui mani-