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famille. Jamais elle ne l’avoit vu si attentif et si bon. Elle ne savoit comment s’expliquer tout cela.

Elle suivoit son oncle et sa tante dans une promenade le long de la rivière, où les beaux points de vue se succédoient : elle n’en distinguoit aucun, quoiqu’elle eût l’air de regarder le paysage. Sa pensée étoit toute entière au château de Pemberley ; et elle cherchoit à se représenter ce qui se passoit alors dans l’esprit de Mr. Darcy. Après ce qui étoit arrivé, pouvoit-il conserver pour elle un sentiment tendre ? et n’étoit-il pas évident que puisqu’il lui avoit parlé, c’étoit parce qu’il avoit le cœur libre ? Que signifioit cependant l’émotion qu’elle avoit remarquée dans le son de sa voix, et le peu de suite de ses discours ? Avoit-il éprouvé plus de chagrin que de plaisir en la voyant ? C’est ce qu’elle ne pouvoit décider ; mais certainement il ne l’avoit pas revue de sang froid. Les observations de son oncle et de sa tante, lui rendirent enfin sa présence d’esprit. Ils entrèrent dans le bois, en s’éloignant un peu de la rivière. Mr. Gardiner vouloit, disoit-il, faire le tour du parc, et il demanda au jardinier si c’étoit une longue promenade. « C’est une affaire de dix milles, „ dit le jardinier en souriant d’un air de triomphe. Cela leur ôta la tentation d’en-