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goûtés de même façon par tous ses auditeurs, mais Mrs. Bennet, qui n’était point difficile sur les compliments, répondit avec empressement :

— Ce que vous me dites là est fort aimable, monsieur, et je souhaite fort que votre prévision se réalise, autrement mes filles se trouveraient un jour dans une situation bien fâcheuse avec des affaires aussi singulièrement arrangées.

— Vous faites allusion peut-être à l’ « entail » de ce domaine.

— Naturellement, monsieur, et vous devez reconnaître que c’est une clause bien regrettable pour mes pauvres enfants. — Non que je vous en rende personnellement responsable.

— Je suis très sensible, madame, au désavantage subi par mes belles cousines et j’en dirais plus sans la crainte de vous paraître un peu trop pressé mais je puis affirmer à ces demoiselles que j’arrive tout prêt à goûter leur charme. Je n’ajoute rien quant à présent. Peut-être, quand nous aurons fait plus ample connaissance…

Il fut interrompu par l’annonce du dîner et les jeunes filles échangèrent un sourire. Elles n’étaient pas seules à exciter l’admiration de Mr. Collins : le hall, la salle à manger et son mobilier furent examinés et hautement appréciés. Tant de louanges auraient touché le cœur de Mrs. Bennet si elle n’avait eu la pénible arrière-pensée que Mr. Collins passait la revue de ses futurs biens. Le dîner à son tour fut l’objet de ses éloges et il insista pour savoir à laquelle de ses belles cousines revenait l’honneur de plats aussi parfaitement réussis. Mais ici, Mrs. Bennet l’interrompit un peu vivement pour lui dire qu’elle avait le moyen de s’offrir une bonne cuisinière, et que ses filles ne mettaient pas le pied à la cuisine. Mr. Collins la supplia de ne pas lui en vouloir, à quoi elle répondit d’un ton plus doux qu’il n’y avait point d’offense, mais il n’en continua pas moins à s’excuser jusqu’à la fin du dîner.