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Les yeux de Mrs. Bermet étincelèrent.

— Un gentleman et un étranger ! Alors ce ne peut être que Mr. Bingley ! Oh ! Jane ! petite rusée, vous n’en aviez rien dit… Assurément je serai ravie de voir Mr. Bingley. Mais, grand Dieu ! Comme c’est ennuyeux qu’on ne puisse pas trouver de poisson aujourd’hui ! Lydia, mon amour, sonnez vite ! Il faut que je parle tout de suite à la cuisinière.

— Ce n’est pas Mr. Bingley, intervint son mari ; c’est quelqu’un que je n’ai jamais vu.

Cette déclaration provoqua un étonnement général suivi d’un déluge de questions que Mr. Bennet se fit un malin plaisir de laisser quelque temps sans réponse.

À la fin, il consentit à s’expliquer.

— J’ai reçu, il y a un mois environ, la lettre que voici et à laquelle j’ai répondu il y a quinze jours seulement car l’affaire dont il s’agissait était délicate et demandait réflexion. Cette lettre est de mon cousin, Mr. Collins, qui, à ma mort, peut vous mettre toutes à la porte de cette maison aussitôt qu’il lui plaira.

— Ah ! mon ami, s’écria sa femme, je vous en prie, ne nous parlez pas de cet homme odieux. C’est certainement une calamité que votre domaine doive être ainsi arraché à vos propres filles, et je sais qu’à votre place je me serais arrangée d’une façon ou d’une autre pour écarter une telle perspective.

Jane et Elizabeth s’efforcèrent, mais en vain, de faire comprendre à leur mère ce qu’était un « entail »[1]. Elles l’avaient déjà tenté plusieurs fois ; mais c’était un sujet sur lequel Mrs. Bennet se refusait à entendre raison, et elle n’en continua pas moins à protester amèrement contre la cruauté qu’il y avait à déshériter une famille de cinq filles en faveur d’un homme dont personne ne se souciait.

  1. Disposition par laquelle un domaine, à défaut d’héritier mâle, passe à une autre branche de la famille.