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plus que vous dire le regard ou les paroles qui ont tout déterminé. Il y a vraiment trop longtemps. J’étais déjà loin sur la route avant de m’apercevoir que je m’étais mis en marche.

— Vous ne vous faisiez pourtant point d’illusion sur ma beauté. Quant à mes manières, elles frisaient l’impolitesse à votre égard, et je ne vous adressais jamais la parole sans avoir l’intention de vous être désagréable. Dites-moi, est-ce pour mon impertinence que vous m’admiriez ?

— Votre vivacité d’esprit, oui certes.

— Appelez-la tout de suite de l’impertinence, car ce n’était guère autre chose. La vérité, c’est que vous étiez dégoûté de cette amabilité, de cette déférence, de ces soins empressés dont vous étiez l’objet. Vous étiez fatigué de ces femmes qui ne faisaient rien que pour obtenir votre approbation. C’est parce que je leur ressemblais si peu que j’ai éveillé votre intérêt. Voilà ; je vous ai épargné la peine de me le dire. Certainement, vous ne voyez rien à louer en moi, mais pense-t-on à cela, lorsqu’on tombe amoureux ?

— N’y avait-il rien à louer dans le dévouement affectueux que vous avez eu pour Jane lorsqu’elle était malade à Netherfield ?

— Cette chère Jane ! Qui donc n’en aurait fait autant pour elle ? Vous voulez de cela me faire un mérite à tout prix ; soit. Mes bonnes qualités sont sous votre protection ; grossissez-les autant que vous voudrez. En retour, il m’appartiendra de vous taquiner et de vous quereller le plus souvent possible. Je vais commencer tout de suite en vous demandant pourquoi vous étiez si peu disposé en dernier lieu à aborder la question ? Qu’est-ce qui vous rendait si réservé quand vous êtes venu nous faire visite et le soir où vous avez dîné à Longbourn ? Vous aviez l’air de ne pas faire attention à moi.

— Vous étiez grave et silencieuse, et ne me donniez aucun encouragement.