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pable de tout bon sentiment. Oui, ne protestez pas. Je ne pourrai jamais oublier l’expression de votre visage lorsque vous m’avez déclaré que, « faite sous n’importe quelle forme, ma demande n’aurait jamais pu vous donner la moindre tentation de l’agréer. »

— Oh ! ne répétez pas tout ce que j’ai dit ! Ces souvenirs n’ont rien d’agréable, et voilà longtemps, je vous assure, qu’ils me remplissent de confusion.

Darcy rappela sa lettre :

— Vous a-t-elle donné meilleure opinion de moi ? Avez-vous, en la lisant, fait crédit à ce qu’elle contenait ?

Elizabeth expliqua les impressions qu’elle avait ressenties et comment, l’une après l’autre, toutes ses préventions étaient tombées.

— En écrivant cette lettre, reprit Darcy, je m’imaginais être calme et froid ; mais je me rends compte maintenant que je l’ai écrite le cœur plein d’une affreuse amertume.

— Peut-être commençait-elle dans l’amertume, mais elle se terminait par un adieu plein de charité. Allons, ne pensez plus à cette lettre : les sentiments de celui qui l’a écrite, comme de celle qui l’a reçue, ont si profondément changé depuis lors que tous les souvenirs désagréables qui s’y rapportent doivent être oubliés. Mettez-vous à l’école de ma philosophie, et ne retenez du passé que ce qui peut vous donner quelque plaisir.

— Je n’appelle pas cela de la philosophie : les souvenirs que vous évoquez sont si exempts de reproches que la satisfaction qu’ils font naître ne peut prendre le nom de philosophie. Mais il n’en va pas de même pour moi, et des souvenirs pénibles s’imposent à mon esprit qui ne peuvent pas, qui ne doivent pas être repoussés. J’ai vécu jusqu’ici en égoïste : enfant, on m’a enseigné à faire le bien, mais on ne m’a pas appris à corriger mon caractère. J’étais malheureusement fils unique, — même, durant de longues années,