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Lodge (car c’était certainement par eux et les Collins que le bruit avait atteint lady Catherine) avaient seulement prédit comme un fait assuré et prochain ce qu’elle-même entrevoyait comme possible dans un avenir plus ou moins éloigné.

Le souvenir des déclarations de lady Catherine n’était pas sans lui causer quelque malaise, car il fallait s’attendre, après ce qu’elle avait dit de sa résolution d’empêcher le mariage, à ce qu’elle exerçât une pression sur son neveu. Comment celui-ci prendrait-il le tableau qu’elle lui ferait des fâcheuses conséquences d’une alliance avec la famille Bennet ? Elizabeth n’osait le prévoir. Elle ne savait pas au juste le degré d’affection que lui inspirait sa tante, ni l’influence que ses jugements pouvaient avoir sur lui ; mais il était naturel de supposer qu’il avait pour lady Catherine beaucoup plus de considération que n’en avait Elizabeth. Il était certain qu’en énumérant les inconvénients d’épouser une jeune fille dont la parenté immédiate était si inférieure à la sienne, sa tante l’attaquerait sur son point vulnérable. Avec ses idées sur les inégalités sociales, il estimerait sans doute raisonnables et judicieux les arguments qu’Elizabeth avait jugés faibles et ridicules. S’il était encore hésitant, les conseils et les exhortations d’une proche parente pouvaient avoir raison de ses derniers doutes, et le décider à chercher le bonheur dans la satisfaction de garder sa dignité intacte. Dans ce cas, il ne reviendrait point. Lady Catherine le verrait sans doute en traversant Londres et il n’aurait plus qu’à révoquer la promesse faite à Bingley de revenir à Netherfield.

« Par conséquent, se dit-elle, si son ami reçoit ces jours-ci une lettre où il s’excuse de ne pouvoir tenir sa promesse, je saurai à quoi m’en tenir, et qu’entre lui et moi tout est fini. »

Le lendemain matin, comme elle descendait de sa chambre, elle rencontra son père qui sortait de la bibliothèque, une lettre à la main.