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qui n’habitaient pas les environs immédiats. Elle savait que rien ne serait ébruité par lui, — il y avait peu d’hommes dont la discrétion lui inspirât autant de confiance, — mais, en même temps, il y en avait bien peu à qui elle aurait tenu davantage à cacher la fragilité de sa sœur ; non cependant à cause du préjudice qui en pourrait résulter pour elle-même, car entre elle et Darcy, il y avait désormais, semblait-il, un abîme infranchissable. Le mariage de Lydia eût-il été conclu le plus honorablement du monde, il n’était guère vraisemblable que Mr. Darcy voulût entrer dans une famille contre laquelle, à tant d’autres objections, venait s’ajouter celle d’une parenté étroite avec l’homme qu’il méprisait si justement.

Elizabeth ne pouvait s’étonner qu’il reculât devant une telle alliance. Il était invraisemblable que le sentiment qu’il lui avait laissé voir en Derbyshire dût survivre à une telle épreuve. Elle était humiliée, attristée, et ressentait un vague repentir sans savoir au juste de quoi. Elle désirait jalousement l’estime de Mr. Darcy, maintenant qu’elle n’avait plus rien à en espérer ; elle souhaitait entendre parler de lui, quand il semblait qu’elle n’eût aucune chance de recevoir de ses nouvelles, et elle avait la conviction qu’avec lui elle aurait été heureuse alors que, selon toute probabilité, jamais plus ils ne se rencontreraient.

« Quel triomphe pour lui, pensait-elle souvent, s’il savait que les offres qu’elle avait si fièrement dédaignées quatre mois auparavant, seraient maintenant accueillies avec joie et reconnaissance ! Oui, bien qu’à son jugement il dépassât en générosité tous ceux de son sexe, il était humain qu’il triomphât. »

Elle se rendait compte à présent que Darcy, par la nature de ses qualités, était exactement l’homme qui lui convenait. Son intelligence, son caractère quoique si différent du sien aurait correspondu à ses vœux. Leur union eût été à l’avantage de l’un et de l’autre. La vivacité et le naturel d’Elisabeth auraient adouci