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jusqu’à Londres, mais pas plus loin. Ils ne sont certainement pas allés en Écosse.

— Et qu’a-t-on fait jusqu’ici ? Qu’a-t-on tenté pour la retrouver ?

— Mon père est parti pour Londres, et Jane écrit pour demander l’aide immédiate de mon oncle. Nous allons partir, je pense, d’ici une demi-heure. Mais que pourra-t-on faire ? Quel recours y a-t-il contre un tel homme ? Arrivera-t-on même à les découvrir ? Je n’ai pas le plus léger espoir. La situation est horrible sous tous ses aspects !

Darcy acquiesça de la tête, silencieusement.

— Ah ! quand on m’a ouvert les yeux sur la véritable nature de cet homme, si j’avais su alors quel était mon devoir ! Mais je n’ai pas su, j’ai eu peur d’aller trop loin… Quelle funeste erreur !

Darcy ne répondit pas. Il semblait à peine l’entendre ; plongé dans une profonde méditation, il arpentait la pièce d’un air sombre et le front contracté. Elizabeth le remarqua et comprit aussitôt : le pouvoir qu’elle avait eu sur lui s’évanouissait, sans doute ; tout devait céder devant la preuve d’une telle faiblesse dans sa famille, devant l’assurance d’une si profonde disgrâce. Elle ne pouvait pas plus s’en étonner que condamner Darcy, mais la conviction qu’il faisait effort pour se ressaisir n’apportait aucun adoucissement à sa détresse. D’autre part, c’était pour elle le moyen de connaître la véritable nature des sentiments qu’elle éprouvait à son égard. Jamais encore elle n’avait senti qu’elle aurait pu l’aimer comme en cet instant où l’aimer devenait désormais chose vaine.

Mais elle ne pouvait songer longtemps à elle-même. Lydia, l’humiliation et le chagrin qu’elle leur infligeait à tous eurent tôt fait d’écarter toute autre préoccupation ; et, plongeant sa figure dans son mouchoir, Elizabeth perdit de vue tout le reste.

Après quelques minutes, elle fut rappelée à la réalité par la voix de son compagnon. D’un accent qui