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peu. Lydia avait laissé un mot à sa femme pour lui annoncer sa détermination. Je suis obligée de m’arrêter, car on ne peut laisser notre pauvre mère seule très longtemps. Je sais à peine ce que j’écris ; j’espère que vous pourrez tout de même me comprendre. »

Sans s’arrêter une seconde pour réfléchir et se rendant à peine compte de ce qu’elle éprouvait, Elizabeth saisit la seconde lettre et l’ouvrit fébrilement. Elle contenait ce qui suit :

« En ce moment, ma chère Lizzy, vous avez sans doute déjà la lettre que je vous ai griffonnée hier à la hâte. J’espère que celle-ci sera plus intelligible ; toutefois ma pauvre tête est dans un tel état que je ne puis répondre de mettre beaucoup de suite dans ce que j’écris. Ma chère Lizzy, j’ai de mauvaises nouvelles à vous apprendre ; il vaut mieux vous les dire tout de suite. Tout imprudent que nous jugions un mariage entre notre pauvre Lydia et Mr. Wickham, nous ne demandons maintenant qu’à recevoir l’assurance qu’il a bien eu lieu, car trop de raisons nous font craindre qu’ils ne soient pas partis pour l’Écosse.

« Le colonel Forster est arrivé hier ici, ayant quitté Brighton peu d’heures après son exprès. Bien que la courte lettre de Lydia à sa femme leur eût donné à croire que le couple se rendait à Gretna Green[1], quelques mots qui échappèrent à Denny exprimant la conviction que Wickham n’avait jamais eu la moindre intention d’aller en Écosse, pas plus que celle d’épouser Lydia, avaient été rapportés au colonel Forster qui, prenant alarme, était parti sur l’heure de Brighton pour essayer de relever leurs traces. Il avait pu les suivre facilement jusqu’à Clapham, mais pas plus loin, car, en arrivant dans cette ville, ils avaient abandonné la chaise de poste qui les avait amenés d’Epsom, pour prendre une voiture de louage. Tout ce

  1. Gretna Green : village à la frontière de l’Écosse où se célébraient les mariages clandestins.