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— Je vous en prie, ne poussez pas Lizzy à se formaliser de cette impertinence. Ce serait un grand malheur de plaire à un homme aussi désagréable. Mrs. Long me disait hier soir qu’il était resté une demi-heure à côté d’elle sans desserrer les lèvres.

— Ne faites-vous pas erreur, maman ? dit Jane. J’ai certainement vu Mr. Darcy lui parler.

— Eh oui, parce qu’à la fin elle lui a demandé s’il se plaisait à Netherfield et force lui a été de répondre, mais il paraît qu’il avait l’air très mécontent qu’on prît la liberté de lui adresser la parole.

— Miss Bingley dit qu’il n’est jamais loquace avec les étrangers, mais que dans l’intimité c’est le plus aimable causeur.

— Je n’en crois pas un traître mot, mon enfant : s’il était si aimable, il aurait causé avec Mrs. Long. Non, je sais ce qu’il en est : Mr. Darcy, — tout le monde en convient, — est bouffi d’orgueil. Il aura su, je pense, que Mrs. Long n’a pas d’équipage et que c’est dans une voiture de louage qu’elle est venue au bal.

— Cela m’est égal qu’il n’ait pas causé avec Mrs. Long, dit Charlotte, mais j’aurais trouvé bien qu’il dansât avec Eliza.

— Une autre fois, Lizzy, dit la mère, à votre place, je refuserais de danser avec lui.

— Soyez tranquille, ma mère, je crois pouvoir vous promettre en toute sûreté que je ne danserai jamais avec lui.

— Cet orgueil, dit miss Lucas, me choque moins chez lui parce que j’y trouve des excuses. On ne peut s’étonner qu’un jeune homme aussi bien physiquement et pourvu de toutes sortes d’avantages tels que le rang et la fortune ait de lui-même une haute opinion. Il a, si je puis dire, un peu le droit d’avoir de l’orgueil.

— Sans doute, fit Elizabeth, et je lui passerais volontiers son orgueil s’il n’avait pas modifié le mien.