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comme le plus sûr moyen de faire perdre à Lydia tout ce qui lui restait de bon sens ; aussi, malgré sa répugnance pour cette démarche, elle ne put s’empêcher d’aller trouver son père pour lui demander de ne point la laisser partir. Elle lui représenta le manque de tenue de sa sœur, le peu de profit qu’elle tirerait de la société d’une personne comme Mrs. Forster, et les dangers qu’elle courrait à Brighton où les tentations étaient certainement plus nombreuses que dans leur petit cercle de Meryton.

Mr. Bennet, après l’avoir écoutée attentivement, lui répondit :

— Lydia ne se calmera pas tant qu’elle ne sera pas exhibée dans un endroit à la mode. Or, nous ne pouvons espérer qu’elle trouvera une meilleure occasion de le faire avec aussi peu de dépense et d’inconvénient pour le reste de sa famille.

— Si vous saviez le tort que Lydia peut nous causer, — ou plutôt nous a causé déjà, — par la liberté et la hardiesse de ses manières, je suis sûre que vous en jugeriez autrement.

— Le tort que Lydia nous a causé ! répéta Mr. Bennet. Quoi ? aurait-elle mis en fuite un de vos soupirants ? Pauvre petite Lizzy ! Mais remettez-vous ; les esprits assez délicats pour s’affecter d’aussi peu de chose ne méritent pas d’être regrettés. Allons, faites-moi la liste de ces pitoyables candidats que cette écervelée de Lydia a effarouchés.

— Vous vous méprenez. Je n’ai point de tels griefs et c’est à un point de vue général et non particulier que je parle en ce moment. C’est notre réputation, notre respectabilité qui peut être atteinte par la folle légèreté, l’assurance et le mépris de toute contrainte qui forment le fond du caractère de Lydia. Excusez-moi, mon père, de vous parler avec cette franchise, mais si vous ne prenez pas la peine de réprimer vous-même son exubérance et de lui apprendre que la vie est faite de choses plus sérieuses que celles qui l’oc-