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Après avoir réfléchi un instant :

— Je ne vois pas, répondit Jane, la nécessité de le livrer ainsi au mépris général. Vous-même, qu’en pensez-vous ?

— Je crois qu’il vaut mieux se taire. Mr. Darcy ne m’a pas autorisée à publier ses confidences. D’ailleurs, tout ce qui a trait à sa sœur doit être gardé secret. Si j’entreprends d’éclairer l’opinion sur les autres points, on ne me croira pas. Les préventions contre Mr. Darcy sont telles que si j’essayais de le faire voir sous un meilleur jour, la moitié des bonnes gens de Meryton en feraient une maladie. Cette idée me paralyse… Du reste, Wickham va s’en aller. Une fois parti, peu importe que l’on sache ou non ce qu’il est en réalité.

— Vous avez tout à fait raison : en publiant ses fautes, on pourrait le perdre sans retour. Peut-être se repent-il maintenant de sa conduite et s’efforce-t-il de s’amender. Il ne faut pas l’en décourager.

Cette conversation calma l’agitation d’Elizabeth. Déchargée enfin de deux des secrets dont elle avait porté le poids durant cette quinzaine, elle avait le réconfort de sentir maintenant près d’elle une sœur toujours prête à accueillir ses confidences. Toutefois, il y avait encore une chose que la prudence lui interdisait de découvrir : elle n’osait faire connaître à Jane le reste de la lettre de Mr. Darcy, ni lui révéler la sincérité du sentiment que Mr. Bingley avait eu pour elle.

Maintenant qu’elle était au calme, Elizabeth pouvait se rendre compte du véritable état d’esprit de sa sœur. Jane, elle s’en aperçut vite, n’était pas consolée. Elle conservait pour Bingley une tendre affection et comme son cœur auparavant n’avait jamais été touché, cette inclination avait la force d’un premier amour auquel son âge et son caractère donnaient une constance qu’on ne voit pas d’ordinaire dans les attachements de première jeunesse ; et telle était la fer-