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XL


Elizabeth ne pouvait contenir plus longtemps l’impatience qu’elle éprouvait de mettre Jane au courant de ce qui s’était passé à Hunsford, en supprimant naturellement tous les détails qui se rapportaient à sa sœur. Elle lui annonça donc le lendemain qu’elle allait lui causer une grande surprise et commença le récit de la scène qui avait eu lieu entre elle et Mr. Darcy.

L’affection fraternelle de Jane lui faisait trouver tout naturel qu’on éprouvât de l’admiration pour Elizabeth, aussi sa surprise fut-elle modérée et fit bientôt place à d’autres sentiments. Elle était fâchée que Mr. Darcy eût plaidé sa cause en termes si peu faits pour le servir, mais elle était encore plus désolée de la peine que le refus de sa sœur lui avait causé.

— Il n’aurait certainement pas dû se montrer si sûr de réussir, mais songez combien cette confiance a augmenté sa déception.

— Je le regrette infiniment, dit Elizabeth ; mais il a d’autres sentiments qui l’aideront, j’en suis sûre, à se consoler vite. Vous ne me désapprouvez pas de l’avoir refusé ?

— Vous désapprouver ? oh non !

— Mais vous me blâmez d’avoir pris le parti de Wickham avec autant de chaleur ?

— Non plus. Je ne vois pas que vous ayez eu tort de dire ce que vous m’avez répété.

— Vous ne penserez plus de même lorsque vous saurez la suite.

Elizabeth alors parla de la lettre et dit tout ce qu’elle contenait concernant Wickham. Quel coup pour la pauvre Jane qui aurait parcouru le monde entier sans s’imaginer qu’il existât dans toute l’humanité autant de noirceur qu’elle en découvrait en ce moment dans un seul homme !