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d’ajouter que c’est à elle-même que je dus d’en être averti. J’arrivai à l’improviste un jour ou deux avant l’enlèvement projeté, et Georgiana, incapable de supporter l’idée d’offenser un frère qu’elle respecte presque à l’égal d’un père, me confessa tout. Vous pouvez imaginer ce que je ressentis alors et quelle conduite j’adoptai. Le souci de la réputation de ma sœur et la crainte de heurter sa sensibilité interdisaient tout éclat, mais j’écrivis à Mr. Wickham qui quitta les lieux immédiatement, et Mrs. Younge, bien entendu, fut renvoyée sur-le-champ. Le but principal de Mr. Wickham était sans doute de capter la fortune de ma sœur, qui est de trente mille livres, mais je ne puis m’empêcher de croire que le désir de se venger de moi était aussi pour lui un puissant mobile. En vérité, sa vengeance eût été complète !

« Voilà, Mademoiselle, le fidèle récit des événements auxquels nous nous sommes trouvés mêlés l’un et l’autre. Si vous voulez bien le croire exactement conforme à la vérité, je pense que vous m’absoudrez du reproche de cruauté à l’égard de Mr. Wickham. J’ignore de quelle manière, par quels mensonges il a pu vous tromper. Ignorante comme vous l’étiez de tout ce qui nous concernait, ce n’est pas très surprenant qu’il y ait réussi. Vous n’aviez pas les éléments nécessaires pour vous éclairer sur son compte, et rien ne vous disposait à la défiance.

« Vous vous demanderez, sans doute, pourquoi je ne vous ai pas dit tout cela hier soir. Je ne me sentais pas assez maître de moi pour juger ce que je pouvais ou devais vous révéler. Quant à l’exactitude des faits qui précèdent, je puis en appeler plus spécialement au témoignage du colonel Fitzwilliam qui, du fait de notre parenté, de nos rapports intimes et, plus encore, de sa qualité d’exécuteur du testament de mon père, a été forcément mis au courant des moindres détails. Si l’horreur que je vous inspire devait enlever à vos yeux toute valeur à mes assertions, rien ne peut vous