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rément, parfois même accompagnés de leur tante. Il était visible que le colonel Fitzwilliam était attiré par la société des trois jeunes femmes. La satisfaction qu’Elizabeth éprouvait à le voir, aussi bien que l’admiration qu’il laissait paraître pour elle, lui rappelaient son ancien favori, George Wickham, et si en les comparant elle trouvait moins de séduction aux manières du colonel Fitzwilliam, elle avait l’impression que, des deux, c’était lui sans doute qui possédait l’esprit le plus cultivé.

Mais Mr. Darcy ! Comment expliquer ses fréquentes apparitions au presbytère ? Ce ne pouvait être par amour de la société ? Il lui arrivait souvent de rester dix minutes sans ouvrir la bouche, et, quand il parlait, il semblait que ce fût par nécessité plutôt que par plaisir. Rarement lui voyait-on de l’animation. La façon dont Fitzwilliam le plaisantait sur son mutisme prouvait que, d’habitude, il n’était point aussi taciturne. Mrs. Collins ne savait qu’en penser. Elle eût aimé se persuader que cette attitude était l’effet de l’amour, et l’objet de cet amour son amie Elizabeth. Pour résoudre ce problème, elle se mit à observer Darcy, à Rosings et à Hunsford, mais sans grand succès. Il regardait certainement beaucoup Elizabeth, mais d’une manière difficile à interpréter. Charlotte se demandait souvent si le regard attentif qu’il attachait sur elle contenait beaucoup d’admiration, et par moments il lui semblait simplement le regard d’un homme dont l’esprit est ailleurs. Une ou deux fois, Charlotte avait insinué devant son amie que Mr. Darcy nourrissait peut-être une préférence pour elle, mais Elizabeth s’était contentée de rire, et Mrs. Collins avait jugé sage de ne pas insister de peur de faire naître des espérances stériles. Pour elle il ne faisait pas de doute que l’antipathie d’Elizabeth aurait vite fait de s’évanouir si elle avait pu croire qu’elle eût quelque pouvoir sur le cœur de Mr. Darcy. Parfois, dans les projets d’avenir qu’elle faisait pour son amie, Char-