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Charlotte Lucas sera un jour maîtresse de cette maison et qu’il me faudra m’en aller pour lui céder la place.

— Chère amie, écartez ces pensées funèbres. Flattons-nous plutôt de l’espoir que je vous survivrai.

Mais cette consolation semblait un peu mince à Mrs. Bennet qui, sans y répondre, continuait :

— Je ne puis supporter l’idée que tout ce domaine lui appartiendra. Ah ! s’il n’y avait pas cet « entail », comme cela me serait égal !

— Qu’est-ce qui vous semblerait égal ?

— Tout le reste.

— Rendons grâce au ciel, alors, de vous avoir préservée d’une telle insensibilité.

— Jamais, Mr. Bennet, je ne rendrai grâce pour ce qui touche à ce maudit « entail ». Qu’on puisse prendre des dispositions pareilles pour frustrer ses filles de leur bien, c’est une chose que je ne pourrai jamais comprendre. Et tout cela pour les beaux yeux de Mr. Collins, encore ! Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

— Je vous laisse le soin de résoudre le problème, dit Mr. Bennet.




XXIV


La lettre de miss Bingley arriva et mit fin à tous les doutes. Dès la première phrase elle confirmait la nouvelle de leur installation à Londres pour tout l’hiver et transmettait les regrets de Mr. Bingley de n’avoir pu aller présenter ses respects à ses voisins avant de quitter la campagne. Il fallait donc renoncer à tout espoir et quand Jane eut le courage d’achever sa lettre, à part les protestations d’amitié de Caroline, elle n’y trouva rien qui pût la réconforter. Les louanges de miss Darcy en occupaient la plus grande partie : miss Bingley se félicitait de leur intimité croissante et prévoyait l’accomplissement des désirs secrets qu’elle