(Dieu veuille que ce soit le plus tard possible !) Ces raisons, ma chère cousine, ne me feront pas, je l’espère, baisser dans votre estime. Et maintenant il ne me reste plus qu’à vous exprimer en termes ardents toute la force de mes sentiments. La question de fortune me laisse indifférent. Je sais que votre père ne peut rien vous donner et que mille livres placées à quatre pour cent sont tout ce que vous pouvez espérer recueillir après la mort de votre mère. Je garderai donc le silence le plus absolu sur ce chapitre et vous pouvez être sûre que jamais vous n’entendrez sortir de ma bouche un reproche dénué de générosité lorsque nous serons mariés.
— Vous allez trop vite, monsieur, s’écria Elizabeth. Vous oubliez que je ne vous ai pas encore répondu. Laissez-moi le faire sans plus tarder. Je suis très sensible à l’honneur que vous me faites par cette proposition et je vous en remercie, mais il m’est impossible de ne point la décliner.
— Je sais depuis longtemps, répliqua Mr. Collins avec un geste majestueux, qu’il est d’usage parmi les jeunes filles de repousser celui qu’elles ont au fond l’intention d’épouser lorsqu’il se déclare pour la première fois, et qu’il leur arrive de renouveler ce refus une seconde et même une troisième fois ; c’est pourquoi votre réponse ne peut me décourager, et j’ai confiance que j’aurai avant longtemps le bonheur de vous conduire à l’autel.
— En vérité, monsieur, cette confiance est plutôt extraordinaire après ce que je viens de vous déclarer ! Je vous affirme que je ne suis point de ces jeunes filles, — si tant est qu’il en existe, — assez imprudentes pour jouer leur bonheur sur la chance de se voir demander une seconde fois. Mon refus est des plus sincères : vous ne pourriez pas me rendre heureuse et je suis la dernière femme qui pourrait faire votre bonheur. Bien plus, si votre amie lady Catherine me connaissait, je suis sûre qu’elle me trouverait fort mal