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tère ; ah ! chère Alice, je croirais la retrouver entièrement en vous ! Vous porteriez son nom, vous habiteriez sa demeure, vous seriez chérie dans ces lieux où je m’étais fixée pour elle seule ; plus heureuse qu’elle, vous seriez la digne compagne d’un homme qui saurait vous apprécier. Ah ! mon Alice, si ce vœu de mon cœur était réalisé, je serais plus heureuse aussi que je ne l’ai jamais été. »

Alice fut obligée de se détourner, de se lever et d’aller à l’autre bout du salon, sous le prétexte de chercher quelque chose, pour cacher et surmonter l’émotion que ce tableau avait excitée en elle. Pendant quelques momens, son cœur et son imagination furent subjugués ; l’idée de devenir ce que sa mère avait été, de porter un nom si cher à son souvenir, d’habiter encore Kellinch-Hall, d’y passer sa vie entière, était un charme auquel elle ne pouvait d’abord résister. Lady Russel, qui la suivait des yeux, comprit ce qu’elle sentait, et n’ajouta pas un mot, préférant la laisser à ce sentiment, convaincue que lorsque M. Elliot parlerait pour lui-même il serait écouté. Alice était loin d’avoir cette conviction ; la même image, celle de M. Elliot parlant pour lui-même, se présenta à son esprit et détruisit à