Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus déplorable que celle de madame Smith. Cette intéressante femme avait tendrement aimé son mari ; il était mort très-jeune encore. Elle avait été accoutumée au bien-être, au luxe même d’une grande fortune ; il lui restait à peine de quoi vivre. Elle n’avait point d’enfant, ce qui aurait pu l’attacher à la vie et lui rendre le bonheur. Cette veuve infortunée n’avait l’assistance d’aucun ami, et sa mauvaise santé l’empêchait de se procurer quelques distractions. Son chétif logement consistait dans une chambre donnant sur une rue extrêmement bruyante, et un cabinet obscur, dans lequel était son lit, dont elle ne pouvait sortir sans qu’on l’aidât, et elle n’avait d’autre servante que celle de son hôtesse, dont elle ne pouvait disposer que très-rarement ; aussi ne se levait-elle que pour être portée dans le bain par les gens destinés à cet office ; le reste du temps, elle restait absolument seule et dénuée de tout secours. Malgré cet état misérable, Alice eut la conviction que madame Smith n’avait que quelques momens de langueur et de tristesse, et des heures entières d’occupations et de jouissances. Comment cela pouvait-il être ? Elle observa, réfléchit ; et finit par être assurée que ce n’étaient pas seulement résigna-