me firent encore craindre cette influence exercée si puissamment sur vous, et qu’on pouvait employer en faveur de mon rival. Je vous quittai brusquement, presque résolu de céder à ma triste destinée, et de renoncer à celle que je ne pourrais jamais posséder.
— Ah ! s’écria Alice, combien vous étiez injuste envers moi, en faisant du passé un sujet de crainte pour le présent ! Si j’ai eu tort de céder jadis à la persuasion, rappelez-vous que je n’avais que dix-neuf ans, et qu’on m’avait habituée à suivre les volontés de tout ce qui m’entourait. Je crus remplir un devoir bien cruel, bien difficile, mais nécessaire : le cas était bien différent ; nul devoir ne pouvait m’être présenté comme un motif d’épouser M. Elliot ; en m’unissant à un homme que je n’aimais pas, je m’exposais à n’être jamais heureuse.
— Je ne pouvais raisonner aussi froidement, répliqua Wentworth ; je ne voyais en vous que celle qui m’avait abandonné, qui avait été influencée par tout le monde plutôt que par moi ; je retrouvais près de vous la même personne qui vous avait guidée dans cette malheureuse circonstance, et je n’avais nulle raison de lui croire à présent moins de pouvoir sur vous.