Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cule ? Comme si je chassais, moi ! Nous aurions laissé Charles courir les bois, et le capitaine m’aurait tenu compagnie ; il n’aurait pas été bien malheureux, je crois ? Mais non, il a voulu rester, et il a bien fait ; je ne connais rien d’ennuyeux comme la société d’un homme mélancolique, dont le cœur est brisé par l’amour et le chagrin. »

Charles se mit à rire.

« Maria, dit-il, vous savez très-bien que si M. Bentick a le cœur brisé d’amour, il ne l’est plus de chagrin : c’est votre ouvrage, Alice ; vous l’avez guéri de sa douleur, mais non de l’amour. Lorsqu’il accepta notre invitation, il croyait que vous viviez avec nous, et qu’il vous retrouverait au cottage ; mais quand il sut que vous étiez chez lady Russel, à trois milles d’Upercross, il ne s’est plus soucié de venir. Cela est un fait, sur mon honneur ; Maria le sait aussi bien que moi. »

Lady Russel se hâta de regarder sa jeune amie ; elle souriait, mais n’avait point rougi. Maria ne voulut convenir de rien, et parut assez piquée qu’on vînt chez elle pour Alice ; celle-ci tourna la chose en plaisanterie, dit qu’elle était très-flattée de sa conquête, et continua ses questions sur son triste adorateur Bentick.