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quer de troubler celui d’une jeune fille, et de compromettre son bien-être, et peut-être sa réputation. Je ne vis point Louisa : je craignais réellement que notre première entrevue ne lui causât une émotion nuisible à sa santé, et, dans le fond du cœur, je n’étais pas fâché de reculer le moment de perdre sans retour ma liberté. Je me déterminai à quitter Lyme, en attendant le rétablissement de Louisa et la décision de mon sort ; j’allai chez mon frère Edward, où je passai six semaines. Il était aussi heureux qu’on peut l’être avec son aimable compagne, qui vous ressemble trop, chère Alice, par le caractère et toutes ses manières, pour que j’aie pu vous oublier. Je ne cessai de blâmer les suites funestes de l’orgueil insensé qui m’avait empêché de tâcher de reconquérir le bien que j’avais perdu, et la légèreté avec laquelle je m’étais précipité moi-même dans un abîme dont je croyais ne plus sortir. Edward me parlait souvent de vous, en regrettant amèrement que vous ne fussiez pas sa sœur et celle de sa douce compagne ; il me demandait si vous n’aviez rien perdu de vos charmes, et ne soupçonnait pas que je vous voyais, s’il était possible, mieux encore que vous étiez à vingt ans. »