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tans, quoique je ne croie pas cette règle générale ; il y a des sentimens imprimés si fortement dans le cœur, que ni le temps, ni l’absence, ni le tumulte du monde ne peuvent les effacer. »

Alice ne put retenir un profond soupir. Harville continua : « Bentick ne put alléguer l’excuse des distractions de son état ou du monde ; la paix l’a laissé dans l’inaction au moment où il perdit ma sœur, et depuis il a toujours vécu avec nous dans notre petit cercle de famille.

— C’est vrai, très-vrai, répondit Alice, je ne m’en souvenais pas ; mais cela même renforce mon opinion : le changement, l’oubli, sont sans doute dans la nature des hommes ; il leur faut plus que le souvenir pour animer et remplir leur vie. Fanny n’existait plus, un autre objet s’est présenté et a pris sa place. Bentick n’est pas plus coupable que ne l’aurait été tout autre homme : l’oubli, la légèreté, sont dans la nature de votre sexe.

— Je le nie absolument, dit Harville : je ne vous accorderai jamais qu’il soit plus facile aux hommes qu’aux femmes d’être inconstans, et d’oublier celles qu’ils aiment ou qu’ils ont vraiment aimées ; car il ne faut pas confondre