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servée d’un tel malheur. Pendant que, la tête appuyée sur sa main, elle rêvait, en silence, madame Smith cherchait dans sa cassette les réponses que M. Elliot avait faites à ses sollicitations réitérées ; elle exigea qu’Alice les parcourût, et son profond mépris pour celui qui les avait écrites s’accrut encore. Toutes prouvaient sa ferme résolution de n’être d’aucun secours à la veuve de son ami, pas même par ses conseils : « Ce serait, disait-il, se donner une peine inutile ; et, sous une froide politesse, son insensibilité, sa dureté, son indifférence sur la triste situation de madame Smith perçaient à chaque phrase ; c’était le comble de l’ingratitude et de l’inhumanité : il semblait à Alice qu’elle lui aurait plutôt pardonné un crime que cette longue suite de mauvais procédés, de fausseté et d’hypocrisie. Son amie, qui, pour la première fois, soulageait son cœur sur ce sujet, ne se lassait pas de lui raconter des particularités, des détails sur les scènes les plus révoltantes. Ces récits déchiraient le cœur de la sensible Alice ; mais elle n’avait pas le courage d’imposer silence à son amie ; elle l’écoutait, et comprenait si bien l’espèce de soulagement que madame Smith éprouvait en parlant de ses peines à quelqu’un qui les sen-