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puis que vous nous amenâtes Henriette et moi à Upercross.

— Ô le triste, l’affreux voyage ! Je n’étais plus à moi. Qu’il m’en coûtait d’aller annoncer à des parens la mort presque certaine d’une fille chérie, et de leur dire : C’est moi qui l’ai tuée ! Tout autour de moi n’offrait que l’image du désespoir : vous seule, miss Elliot, aviez conservé un peu de calme et de raison. Il m’eût été impossible d’exister autre part qu’à Lyme jusqu’au rétablissement de Louisa ; j’avais été l’auteur de ce sinistre événement, et tant que je craignais pour sa vie, pouvais-je être en paix avec moi-même ? Louisa n’aurait point été si inconséquente, si obstinée, si je n’avais été si faible ; peut-être aussi qu’avec plus d’adresse et de précautions j’aurais empêché cet accident… Elle se rétablit enfin, et je pus encore jouir de la vie. Les environs de Lyme sont fort beaux ; je me promenais beaucoup. Plus je voyais ce pays, plus je l’admirais. La nature y déploie à-la-fois ce qu’elle a de plus sublime et de plus gracieux.

— J’aimerais beaucoup à retourner à Lyme, dit Alice.

— En vérité ? reprit vivement Wentworth ; je pensais, au contraire, que vous aviez pris