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un soupir étouffé sortir de la poitrine de Wentworth ; mais il se détourna promptement, et l’on n’y fit nulle attention.

Alice, tout en cheminant à côté de son cousin, aurait bien voulu aussi être silencieuse ; elle lui aurait eu bien de l’obligation s’il l’avait menée jusque chez elle sans dire une parole. Quoiqu’il fût pour elle rempli de soins et d’attentions, et qu’il les poussât jusqu’à ne lui parler que de choses qui pouvaient lui être agréables ou sur lesquelles ils pensaient de même : éloge vif, distingué et juste de lady Russel ; insinuation contre madame Clay ; souvenir de Lyme, rien ne l’intéressa. Jamais elle n’avait trouvé qu’il fût si difficile d’écouter et de répondre ; elle ne pouvait penser à autre chose qu’au capitaine Wentworth, au changement qui s’était opéré en lui et qu’elle ne comprenait pas. Frederich avait en même temps l’air indifférent et occupé. Regrettait-il Louisa ? L’avait-il oubliée ? Jusqu’à ce que cette question fût décidée, elle ne pouvait être tranquille. Hélas ! Alice était déterminée à être sage, raisonnable, à éloigner toute illusion de sa pensée, toute fausse espérance, et dans ce moment elle était forcée de s’avouer à elle-même qu’elle était loin encore d’avoir autant de fermeté