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lébrera l’union de deux époux passionnés l’un pour l’autre. Tout ici sera content, heureux, comme j’aurais pu l’être, pensait Alice, et mes relations avec la famille ajouteront à mon supplice : toujours forcée de feindre, de cacher avec soin tous les sentimens dont mon cœur est oppressé… Mais non, non ; une fois que ce lien sera formé, et le ciel veuille que ce soit bientôt, je suis bien sûre que le mari de Louisa ne sera plus à mes yeux qu’un être indifférent, dont je désirerai le bonheur comme celui de tous mes semblables, et parce que je crois qu’il le mérite.

Elle eut une heure ou deux de loisir pour se livrer à ces réflexions, qui devinrent enfin aussi sombres que le temps. C’était un des jours les plus nuageux du mois de novembre ; une pluie fine et épaisse empêchait de se promener, frappait contre les fenêtres et obscurcissait l’horizon. Le roulement du carrosse de lady Russel lui fit donc un grand plaisir ; et cependant, malgré celui de retrouver son amie, malgré son désir de partir, elle ne put s’éloigner sans un serrement de cœur qu’elle ne savait comment définir, et qu’elle mit sur le compte de ses petits neveux, qui la suivaient en criant : Adieu, bonne tante Alice ; reviens bientôt.