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tés de l’épouse de l’amiral, lady Russel ne lui pardonnait pas d’être la sœur du capitaine Wentworth. Pour elle, au contraire, c’était un attirail presque irrésistible, et dont elle ne cherchait pas à se défendre. Elle pouvait espérer de la sœur une réciprocité de sentimens qu’elle ne trouvait plus chez le frère. Le bonheur conjugal des Croft avait aussi pour elle un charme inouï ; elle y trouvait la réalité de ce qu’elle avait si souvent rêvé quand elle croyait devenir la compagne de celui qu’elle aimait. Lorsqu’elle les rencontrait à la promenade, elle les suivait des yeux aussi loin qu’elle le pouvait. « Ils parlent sans doute, se disait-elle, de celui auquel je pensais sans cesse, auquel il ne m’est plus permis de penser… Non, je ne dois pas chercher à me lier avec eux ; je dois fuir tout ce qui nourrit mes souvenirs, jusqu’à ce que je sois parvenue à les effacer tout-à-fait ; alors, peut-être, pourrai-je devenir l’amie de cet heureux couple. » C’était un délice pour elle de voir avec quel empressement, quelle cordialité le bon amiral pressait la main de ses anciens camarades de service quand il les rencontrait, et le regard animé de madame Croft, qui aimait autant que son mari tout ce qui tenait à la marine.