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tion d’être une minute en l’air était délicieuse pour elle : dans toutes leurs promenades, elle passait de cette manière les barrières avec beaucoup de grâces et d’aplomb, ce qui lui valait toujours un joli compliment du galant capitaine. Cette fois cependant il résista à cette fantaisie, craignant pour elle la dureté du pavé ; mais elle insista, tendit les deux mains ; Frederich s’en saisit, elle s’élance, et retombe heureusement sur ses pieds. Pour prouver qu’elle ne s’était fait aucun mal, elle remonte lestement les marches en s’écriant : C’est charmant ! c’est délicieux ! elle se retrouve sur le bord du parapet, et tend de nouveau les mains pour recommencer le saut en riant de bon cœur. Wentworth lui fit encore, en riant aussi, quelques objections. « Non, non, dit-elle ; vous savez que je suis ferme dans mes volontés, et je le veux. » Il prit ses mains comme la première fois ; mais, soit qu’elle s’élançât trop rapidement, soit qu’il ne la retînt pas assez fortement, elle tomba étendue sur le pavé, et fut relevée sans apparence de vie. On ne vit aucune blessure, point de sang, mais ses yeux étaient fermés, sa respiration arrêtée, son visage avait la pâleur de la mort ;