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de larmes ; il semblait qu’il desirait d’être entendu, et qu’il chargeait ses poëtes favoris de confier ses peines à l’âme sensible qui savait si bien l’écouter. Lorsqu’il eut fini, elle se hasarda à lui dire qu’elle espérait qu’il ne s’occupait pas uniquement de poésie ? « Quelque charme qu’elle ait, ajouta-t-elle, il est souvent diminué par l’idée que c’est peut-être seulement l’imagination et l’esprit qui ont inspiré ces lignes qui émeuvent si puissamment la sensibilité de celui qui les lit. Un sentiment réel et profond laisse rarement les facultés de s’occuper avec exactitude des règles, que la bonne poésie exige, et qui font sur le lecteur une impression souvent factice, et dangereuse pour celui dont les peines sont réelles ». Bentick réfléchit en silence à ce que disait Alice ; mais ses regards lui prouvèrent que, loin d’en être peiné, cette allusion à sa situation lui plaisait : elle fut encouragée à continuer, et sentant qu’elle pouvait le persuader, elle lui recommanda de lire quelquefois de la bonne prose, et de revenir ainsi à la vérité, qui peut seule adoucir les peines de la vie. Sur sa demande expresse, elle lui indiqua quelques ouvrages des moralistes remarquables par la piété, quelque collection