Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait rompu tout projet d’alliance ; avec Harville et sa femme il pouvait pleurer Fanny et parler d’elle : sûr de trouver une tendre sympathie dans leur cœur, il ne les quitta plus. Leur résidence à Lyme convenait à sa situation : sa santé, qui avait souffert de ce choc imprévu, se trouva bien de l’air et des bains de mer dont il avait l’habitude : la beauté de la contrée, la solitude où ils étaient les trois quarts de l’année ; tout dans ce séjour était selon ses goûts actuels et l’état de son âme. Son désespoir des premiers temps s’était graduellement changé en cette douce mélancolie qui inspire tant d’intérêt ; aussi celui qu’il avait excité était-il très-grand, et chacun le plaignait sincèrement.

Cependant, pensait Alice, je crois que je suis plus malheureuse encore : on finit par se résigner à ce qui est impossible, à un malheur infligé par la main du Tout-Puissant ; mais celui qu’on s’est attiré soi-même, qu’on pouvait éviter, est bien plus affreux. Quel chagrin n’éprouve-t-on pas de voir un autre en possession de l’objet qui nous est cher ! Wentworth est perdu pour moi comme s’il n’était plus, et sa présence, son amabilité nourrissent le sentiment et la douleur, que le