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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

du 1er juillet 1910 [17]




EMMA


par Jane Austen


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Traduction de M. PIERRE DE PULIGA


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XIV


En entrant dans le salon de Mme Weston les deux hommes durent composer leur contenance : M. Elton dissimula son contentement et M. Jean Knightley sa mauvaise humeur ; le premier fit effort pour ne pas sourire, le second, au contraire, pour se dérider. Emma seule demeurait parfaitement naturelle et laissait voir sa joie sans contrainte : c’était pour elle un vrai plaisir de se trouver à Randalls ; M. Weston était tout à fait dans ses bonnes grâces, quant à sa femme, il n’y avait pas au monde une autre personne vis-à-vis de laquelle Emma se sentit aussi à l’aise ; elle savait que celle-ci était toujours prête à écouter avec sympathie l’énumération des menus incidents de la journée qui sont la base du bonheur domestique ; ce plaisir n’était pas à leur portée ce soir-là, mais la seule vue de Mme Weston, son sourire, sa voix, son geste procurait à Emma un vrai bien-être et elle résolut de penser le moins possible aux bizarreries de M. Elton et de jouir de sa soirée sans arrière-pensée. Avant leur arrivée, toutes les expressions de regret au sujet de l’indisposition d’Harriet avaient été épuisées : M. Woodhouse avait eu le temps de donner tous les détails y afférents et même de faire l’historique de leur voyage en voiture ; il terminait son récit lorsque les autres arrivèrent et Mme Weston qui s’étaient jusqu’alors exclusivement consacrée à lui se leva pour accueillir sa chère Emma.

Emma qui se proposait d’oublier l’existence de M. Elton s’aperçut avec regret, quand chacun eut pris sa place, que celui-ci était assis


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