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il s’agit de rendre service aux autres, intervint M. Woodhouse, ne saisissant qu’à moitié le sens de la conversation ; mais, ma chère, ne vous mêlez plus de mariages : ce sont de sottes entreprises qui rompent le cercle de famille.

— Laissez-moi en négocier encore un, papa : celui de notre vicaire. Pauvre M. Elton ! Il faut que je lui trouve une femme. Depuis un an qu’il est installé à Hartfield, il a transformé le presbytère et il a fait preuve de beaucoup de goût dans l’arrangement de son intérieur : ce serait une pitié s’il demeurait célibataire. Il paraissait, en joignant les mains des nouveaux mariés, tout disposé, le cas échéant, à tendre la sienne dans le même but.

— M. Elton est un jeune homme accompli et j’ai beaucoup d’estime pour lui. Je vous conseille, ma chère, si vous désirez lui donner un témoignage de sympathie, de l’inviter à dîner un de ces soirs : c’est la meilleure manière de vous intéresser à lui. Je suis sûr que M. Knightley voudra bien se joindre à nous ce jour-là.

— Avec le plus grand plaisir, répondit M. Knightley en riant, et je dois dire que je partage absolument votre opinion à ce sujet. Invitez M. Elton à dîner, Emma, ajouta-t-il, servez lui le poisson le plus rare et le poulet le plus fin, mais laissez-le choisir sa femme ! Croyez-moi ; un homme de vingt-sept ans est capable de se diriger tout seul.





II


M. Weston était originaire d’Highbury ; il appartenait à une honorable famille qui, depuis deux ou trois générations, avait graduellement conquis l’aisance et la considération ; ses frères s’étaient adonnés au commerce ; mais, après avoir terminé ses études, il ne voulut pas suivre leur exemple : il se trouvait être indépendant par suite d’un petit héritage personnel et, conformément à ses goûts, il embrassa la carrière des armes.

Le capitaine Weston était fort à la mode : les hasards de la vie militaire l’ayant mis sur le chemin de Mlle Churchill, d’une grande famille du Yorkshire, personne ne s’étonna lorsque celle-ci s’éprit de lui, à l’exception du frère et