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suite ; elle était signée : « Fr. C. Weston Churchill. »

— C’est tout à sa louange, s’écria Mme Jean Knightley, toujours prête à approuver. Je ne doute pas que ce ne soit un aimable jeune homme, mais c’est bien triste qu’il ne vive pas dans la maison de son père. Il y a quelque chose de si choquant à ce qu’un enfant soit enlevé à ses parents ! Je n’ai jamais pu comprendre que M. Weston ait pu se résigner à se séparer de son fils. Abandonner son enfant ! Je ne pourrais jamais avoir bonne opinion d’une personne qui serait capable de faire une telle proposition.

— Personne n’a jamais eu bonne opinion des Churchill, dit froidement M. Jean Knightley, mais ne vous imaginez pas, ma chère Isabelle, que M. Weston ait ressenti, en laissant partir son fils, ce que vous éprouveriez en vous séparant d’Henri ou de Jean. M. Weston a un caractère enjoué et conciliant, mais sans profondeur ; il prend les choses comme elles viennent et en tire le meilleur parti possible ; je pense qu’il attache plus d’importance aux satisfactions de ce qu’on appelle le monde, c’est-à-dire à la possibilité, de prendre ses repas et de jouer au whist cinq fois par semaine avec ses voisins, qu’aux affections de famille ou aux satisfactions de son intérieur.

Emma ne pouvait qu’être blessée d’une remarque aussi désobligeante pour M. Weston et elle avait grande envie d’y répondre, mais elle se retint et laissa tomber le sujet. Elle était désireuse de conserver la paix, si c’était possible ; d’autre part, elle ne pouvait s’empêcher d’admirer la force du lien de famille chez son beau-frère et le sentiment qui lui faisait tenir ce langage.

( À suivre.)