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— Les plus précieuses, je vous l’accorde, mais elles ont été écrites pour vous seule et il faut leur conserver ce caractère intime. L’allusion personnelle mise à part, il reste une fort jolie charade qui peut tenir sa place dans n’importe quel recueil. Croyez-moi, M. Elton ne serait pas flatté de voir son œuvre mise de côté ; donnez-moi le registre ; la copie sera de ma main ; de cette façon vous resterez tout à fait en dehors de cette initiative.

Harriet se soumit à contre cœur et dit seulement :

— Je ne laisserai plus jamais traîner mon livre.

— Très bien ! dit Emma, c’est un sentiment naturel ; mais voici mon père : vous ne verrez pas d’objection, je pense, à ce que je lui lise la charade. Il trouvera grand plaisir à l’écouter. Il aime tout ce qui est à la louange de la femme. Ses sentiments de galanterie vis-à-vis de notre sexe sont des plus prononcés. Je vais la lui lire.

Harriet resta grave.

— Ma chère Harriet, il ne faut pas attacher une importance exagérée à cette charade. Ne soyez pas confuse d’un si petit tribut d’admiration. Si M. Elton avait désiré le secret il n’eut pas laissé le papier en ma présence et il a affecté au contraire de me le remettre à moi. N’apportons pas trop de solennité dans cette affaire.

— Oh ! non ; j’espère bien ne pas me rendre ridicule. Faites comme vous voudrez.

M. Woodhouse entra et ramena bientôt le sujet sur le tapis, en posant son habituelle question :

— Eh bien, mes chères enfants, votre travail avance-t-il ? Avez-vous reçu quelque nouvelle contribution ?

— Oui papa, nous allons vous lire quelque chose d’inédit. Nous avons trouvé, ce matin, sur la table, un papier déposé sans doute par une fée et qui contenait une très jolie charade : je l’ai immédiatement copiée.